[Storyline] Réunion après l'assaut

Iwëne attendait gentiment que Fraust réagisse, qu’il réponde à sa question et entre dans le vif du sujet. Après quelques secondes de calme où ses paroles restèrent en suspens, le recteur invita la jeune femme à s’asseoir derrière le bureau d’où il dirigeait la Faculté.
Quelque peu surprise par cette soudaine réclamation, Iwëne n’obtempéra pas tout de suite. Son souffle parfaitement régulier se stoppa l’espace d’un instant. Curieuse, étonnée, inquiète, et consciente de ce qu’on lui demandait, elle n’en restait pas moins impassible, indifférente.
Enfin, elle daigna se diriger vers le bureau et s’installa confortablement sur le fauteuil que lui présentait le jeune homme. C’était étrange de se retrouver derrière le bureau de Fraust ; on obtenait une toute autre vue de la pièce. Intérieurement, Iwëne ressentait comme un sentiment de puissance, de malaise aussi. Quelque chose de nouveau commençait à animer les cellules de son corps, tandis que Fraust la rejoignait.
Calme et posée, elle attendit. Lorsque le mutant lui expliqua qu’il la souhaitait comme co-rectrice, la jeune femme eut comme un choc cardiaque. Son cœur fit un énorme bond dans sa poitrine, excité comme jamais, terriblement surpris. Soudainement, les images de son arrivée à la Faculté lui revinrent en mémoire, l’oppressant de toute part. Iwëne se sentait confinée entre les paroles qu’elle avait prononcé il y a déjà quelques mois et son envie de les mettre en pratique. Son désir d’accomplir le rêve des mutants, de Fraust, et même le sien, l’enivrait à un point tel que sa propre personnalité n’était plus qu’une misérable poussière dans l’immensité de l’univers. Elle ne savait plus ce qu’elle pensait de la situation, comment elle ressentait la chose. L’appréhension qui l’avait fougueusement traversée était repartie aussi vite qu’elle était arrivée. Une unique sensation de bonheur prenait toute la place dans son esprit.
Son rêve… Leur rêve… Il débuterait par une chose aussi anodine que son nouveau rôle au sein de la Faculté. Bien plus qu’un simple poste hiérarchique, c’était pour elle une sorte de clé pour atteindre le Paradis. A deux, non, tous ensemble, ils arriveraient à concrétiser le havre de paix réservé aux mutants. Ils réussiraient à accomplir une sorte de miracle, à créer un paradis sur Terre.
Ils triompheraient enfin…

Aspirée dans ce tourbillon d’émotions, la jeune femme releva songeusement son doux visage. Son regard se figea dans celui du recteur, comme captivé. Dans le bleu intense de ses pupilles, elle devinait une lueur d’espoir, d’envie, mélangé à la joie et les remords. A l’exemple de ce qu’elle ressentait, le regard de Fraust bouillonnait de différents sentiments. Un grand bazar terriblement agréable et si particulier…
L’espace d’un instant, elle se revoyait six ans plus tôt. Elle était jeune, naïve, futée et pleine d’énergie. Son cœur si pur aspirait à tant d’ambition, une si grande ambition... Retrouver l’homme qu’elle avait tant aimé, l’aider à accomplir leur rêve…Devenir quelqu’un de bien.
Et aujourd’hui, plus que jamais, elle le retrouvait, ce fameux garçon. Lui, et seulement lui, en tant que personne, être humain. Il avait grandit, mûrit, changé, mais il était toujours le même. Son âme se nourrissait toujours du même mouvement rebelle, de la même espérance d’un avenir meilleur. Et pendant ces secondes d’échange visuel, elle le comprenait mieux que personne, elle ressentait l’exactitude de son envie.
Cette étrange envie de continuer l’histoire…

Puis, Fraust se détourna. Bien trop vite au goût de la jeune femme qui avait savouré cet instant avec délice. Maintenant qu’elle retombait de son petit nuage, elle redevenait consciente. Et la vérité ne manqua pas de la frapper en plein cœur. Mais elle ne faisait pas mal, cette vérité. Au contraire, elle était douce, agréable… et si vive. Trop longtemps confinée dans son cocon, elle se libérait enfin, animée d’une énergie surhumaine.
Et cette fois-ci, Iwëne ne luttait pas contre elle. Il était temps d’assumer et de vivre enfin.

Lorsque Fraust parla d’une fête organisée spécialement pour la Saint Valentin, la jeune femme ne put s’empêcher d’afficher un petit sourire amusé. Le recteur venait de lui tourner le dos, aussi elle s’autorisait à se moquer gentiment de lui. Fraust n’avait jamais sût très bien s’y prendre avec les femmes, il était de nature plutôt maladroite et timide. Et c’était terriblement attendrissant.
Une douce lueur de sympathie rayonna sur le visage d’Iwëne, tandis qu’il lui annonçait l’heure de rendez-vous. Elle le regarda s’éloigner en direction de la porte, et se décida enfin. Se relevant avec grâce du fauteuil, elle rattrapa le jeune homme.
Avec agilité, elle le doubla et se posta au seuil de la porte. Pas plus de dix centimètres les séparaient, tout deux. Le regard pétillant, le visage sérieux mais où on devinait clairement son enjouement, elle rapprocha ses douces lèvres à l’oreille du recteur. Dans un bref murmure, elle lui intima quelques mots.
-Merci. Merci pour tout…
Une brève inspiration.
-Je te retrouve au bal…
Puis elle tourna les talons et avança à vive allure dans le couloir. Une onde de bonheur l’envahissait, presque semblable à celle qu’elle avait ressentit quelques minutes plus tôt, lors de sa « nomination ».
Oui, la vérité l’avait rattrapée. Maintenant elle en était persuadée ; elle ne nierait plus ses sentiments.
Iwëne était encore follement amoureuse de Fraust…