[Solo - découverte] L'origine du "Mal"

A peine une journée après son arrivée, le professeur Creist avait commencé à travailler sur l'objet majeur de ses recherches, et la principale raison de sa présence au sein de la Genetics Corporation. Tout de go, le jeune chercheur avait rassemblé le maximum de données exploitables sur les sujets actuels et passés de la firme, afin de pouvoir établir un lien de cause à effet sur l'origine des mutations. Cela consternait tout de même pas mal le jeune homme que cette entreprise ait réussi jusqu'à présent à créer de telles 'choses' sans en avoir une recette... Mais au moins, il serait le premier à trouver, et avec ça, gagnerait au moins un prix nobel. Bien sûr, il pensait cela avec ironie, et se corrigea lui-même tout de suite après, jugeant que les humains pouvaient se garder leur niaiserie de prix, lui, il faisait cela uniquement parce qu'il était le seul au monde à pouvoir le faire.

Ainsi donc, le scientifique commença par étudier un premier cas de mutation naturelle, avec comme matériel génétique, l'ADN d'un jeune mutant au pouvoir quelconque, ainsi que l'ADN des deux parents. Comparativement donc, Creist analysa les échantillons qu'il avait sous le nez, à l'aide d'une machine à la pointe de la technologie, permettant un balayage et un séquençage extrêmement précis des ADN observés. Les résultats lui permirent d'étudier de façon plus poussée encore, les principales différences entre les ADN parents et l'ADN fils, si l'on puis dire.

Une par une, Jordan étudia chaque séquence d'ADN, un travail fastidieux mais nécessaire: il lui fallait en effet déterminer la fonction de chacune d'entre elle afin d'isoler toute séquence pouvant expliquer la mutation. Ce travail lui pris à lui seul plusieurs nuits (Jordan ne travaillant que la nuit, et dormant durant la journée), mais il fût bien instructif.

En effet, au bout de 4 jours de travail, Jordan mit le doigt sur un point fortement intéressant. Dans le cas étudié, c'est dans l'ADN paternel qu'il trouva ce qui l'intéressait: il s'agissait d'une séquence dite 'égoïste', dans le jargon. C'est, pour faire simple, une séquence d’ADN génomique, capable de se répliquer et de se transposer, mais qui ne confère aucun avantage à la cellule. On parle d’ADN égoïste ou de parasite génétique car son activité ne sert qu’à assurer sa propre persistance au cours des générations.
Et pourquoi cela était intéressant, ce détail? Tout simplement parce que jusqu'à ce jour, la science n'avait jamais su trouver l'utilité réelle de ce genre de séquence, qui prends une place dans le génome sans aucune contrepartie. Hors, d'après Creist, il n'était pas impossible que cette bête séquence, présumée inutile, soit à la source d'une mutation.

Toutefois, si l'on suivait cette théorie, il fallait quelque chose qui déclenche l'activité de cette séquence. Quelque chose qui fasse en sorte que l'ADN fils soit doté d'une séquence dotant l'individu du fameux pouvoir mutant.

Creist décida alors logiquement, de chercher une séquence, sur l'ADN fils, qui regroupe une partie des caractéristiques de la séquence égoïste issue de du génome paternel. Cela lui permettrait de faire un lien de paternité entre l'un et l'autre élément: d'un côté un élément qui seul, est inactif, et qui de l'autre, confèrerait le pouvoir. Si cette théorie était avérée, alors il ne manquerait plus qu'à trouver le facteur qui permet la mise en activité de la séquence jusqu'alors restée comme endormie.

1 seule journée de plus de travail suffit à Creist pour trouver la séquence qu'il recherchait. Elle avait des ressemblances très étroites avec la portion d'ADN égoïste du père. Aussi, le professeur étudia de façon plus poussée ces deux séquences à l'aide de différents instruments et notamment d'un simulateur, qui lui permettait de vérifier si la séquence père était bien le père, justement, de la séquence fille. Au vu de leur ressemblance, cela aurait été logique, mais il fallait tout de même le vérifier.
Verdict: plus de doute, la portion égoïste du père était bien à l'origine de la portion hybride du fils; toutefois, cette séquence avait été, de l'un à l'autre, fortement altérée par un élément génétique qu'il fallait chercher ailleurs.

A ce stade, pour expliquer tout ceci de façon simpliste, on pouvait dire ceci: il y avait peut-être (on est encore dans la simple hypothèse) un gène dit 'mutant', en sommeil chez l'un des parents du mutant. Et ce gène endormi, pour une raison qu'il fallait déterminer, s'était mis en activité chez l'enfant.

La question était de maintenant savoir quel est le facteur qui permet de réveiller ce gène mutant, banalement. Mais ils pouvait y avoir des dizaines de possibilités, de la bête création de la cellule-mère avec la fusion des ADN des deux parents, à une plus complexe question de circonstances particulières dues à des spécificités génétiques chez l'un des parents...

Toutefois, Jordan décida de rester dans ce qui lui paraissait logique: chercher un élément déclencheur chez le deuxième parent, ici la mère du mutant. Après tout, au moment de la création de la cellule-mère de l'enfant, les patrimoines génétiques des deux parents se fondent l'un à l'autre, et certaines séquences sont transmises tel quelles, et d'autres sont fusionnées.

Alors, il fallait peut-être commencer par chercher une portion d'ADN qui avait pour effet d'activer ce fameux ADN égoïste. Mais la tâche était ardue. Il fallu en effet trier toutes les séquences connues une par une, afin d'isoler tout ce qui restait et qui n'avait là encore, pas d'utilité directe. Ce premier travail réalisé, il resta à Jordan plusieurs dizaines de séquences dont il n'expliquait pas la raison de leur présence. Toutefois, il suffisait de comparer ces portions restants avec l'ADN de l'enfant pour pouvoir encore en écarter certaines qui n'avaient tout simplement pas été transmises. Et il y en avait un bon paquet!

Au final, après 2 nuits de recherche supplémentaire, Jordan isola plusieurs séquences d'ADN. Il décida alors de réutiliser le logiciel de simulation pour chercher la séquence qui ressemblait le plus à la fameuse séquence à l'origine du pouvoir mutant de l'enfant. D'autant plus qu'il avait déjà A et C, dans l'équation suivante: A + x = C. Restait à trouver x, mais il savait que le logiciel de simulation allait lui permettre de faire une grosse avancée dans son travail de tri.

Et ce fût le cas! Se fiant aux résultats de la simulation, le jeune chercheur commença à présent à chercher une séquence dont il avait déterminé presque toutes les caractéristiques. Il lui fallait trouver celle dont les spécificités étaient les plus proches de celles obtenues lors du test.
Il trouva cette séquence, enfin... Et après analyse, il découvrit qu'il s'agissait très probablement d'un ADN dit 'intercalant'. Il se trouve entre les gènes et sa fonction est inconnue. Et bien, plus maintenant, pensa Creist, en isolant cette séquence avant d'imprimer sur papier son séquençage. Le professeur apposa la feuille de papier sur son tableau blanc, à droite de la feuille contenant le séquençage de l'ADN égoïste du père, et au dessus de celle de l'enfant mutant.

"... Jordan pense que la clé de l'énigme est ici..."

Et en effet, des analyses et des calculs plus tard, il estima que les résultats étaient assez fiables pour en être officiellement certain: Jordan Creist venait de trouver la clé de l'énigme mutante, pour ce premier cas. Sans s'emballer toutefois, il se mit à penser que ce schéma devait logiquement être applicable à tous les cas de mutations innées.

Ok, après un grand verre de jus d'orange, il allait s'y mettre...

Et après ce verre d'orangeade directement importée d'Angleterre (vous connaissez Minute Maid?), Jordan reprit son travail, qui ne constituait maintenant plus qu'en des vérifications de sa théorie à grande échelle.

Pour cela, rien de plus simple. Il suffisait à Jordan d'utiliser la base de données de la G.C. pour faire une grande recherche chez tous les mutants enregistrés. La requête était bien sûr, en premier lieu, la présence de la séquence d'ADN intercalant, ou même de toute séquence plus ou moins proche de celle-ci. Zou, l'ordinateur de haute technologie s'occupa de parcourir les centaines et centaines de pages contenant les séquences ADN de tous les mutants répertoriés, de repérer la présence de la séquence mutagène et de la marquer.

Au final, l'analyse prit du temps, car il y avait masse de données à traiter (c'était un peu le même principe qu'une recherche de fichier sur un ordinateur, le logiciel parcours chaque fichier pour trouver ce qu'on lui demande; et forcément, plus le disque dur est rempli et plus ça prends du temps.). Mais le résultat tomba un peu plus tard, et paru satisfaisant au professeur Creist.

"72% de pertinence..."

Jordan s'arrêta sur ce chiffre, et en profita pour relire un vieux rapport datant de 6 mois plus tôt, rapport de l'un de ses prédécesseurs. Le rapport indiquait, selon lui avec une fiabilité certaine, que la majeure partie des mutations observées à la G.C. étaient des mutations naturelles... Le chiffre exact en pourcentage était donné quelque part, Jordan se rappelait bien l'avoir lu... Voila, le rapport disait que plus de 78% des mutants recensés étaient des éléments mutés naturellement, contre 22% de mutations provoquées in-vitro ou en laboratoire.

"Et bien, le chiffre n'était pas exact... Mauvais travail, professeur..." Jordan lut le nom du scribouillard auteur du rapport "... Hartke... Dommage, la science ne retiendra pas votre nom, surtout celui de Jordan."

Remarque, en passant Creist avait entendu dire que le pourcentage de mutations naturelles était en baisse, du fait d'une recrudescence des travaux génétiques, notamment pratiqués par la firme qui le payait. Pas étonnant, pensa-t'il, avec tous ces fous qui jouent aux petits chimistes avec des éprouvettes d'embryons.

Il ne perdit pas de temps pour lancer une seconde requête, celle à propos de la séquence d'ADN égoïste. Là encore, il suffisait que l'ordinateur repère des similitudes de structures selon le modèle 'A + B = C'. Bien sûr, car les séquences isolées précédemment ne seraient pas retrouvables à l'identique, car autant il existait de pouvoirs mutants, autant il existait de différentes séquences d'ADN, à la fois égoïste et intercalant. Mais le principe, c'était tout ce qui comptait, que le principe soit le même pour nombre d'autres 'erreurs de la nature et de la science' que celle étudiée concrètement tout à l'heure.

Comme il s'y attendait, le résultat que l'ordinateur livra après plus d'une heure de recherche était proche de l'absolu: 99,8%.

Ce chiffre proche du 100% indiquait tout naturellement que ce type de séquence était à l'origine, presque toujours, d'une mutation.

à ces 99,8%, il fallait retirer 76% qui était la part des mutations naturelles (éléments A et B présent, et fondus en un C unique), restait donc 23,8% de sujets qui ne portaient que la séquence mère du gène mutant (le A fondu en un C), et qui, malgré tout, avait un pouvoir. Ici, Jordan pensait que l'ADN égoïste pouvait peut-être être déclenché par autre chose que le gène intercalant, ce qui serait potentiellement le cas des mutations non-naturelles.
Et enfin, 0,2% se baladaient dans la nature, il faudrait qu'il étudie ces cas particuliers d'un peu plus près.

Ce qui donnait:

Jordan Creist a écrit:

A (ADN mère du pouvoir) = portion ADN égoïste, présente chez quasiment tous les mutants = Porte le pouvoir en état d'inactivité
B (ADN père du pouvoir) = Portion ADN intercalant, présente chez 3/4 des mutants = Déclencheur d'activité et donc du pouvoir
C (ADN qui donne le pouvoir) = Portion d'ADN active, présente chez 100% des mutants = représente le pouvoir actif

A noter que C contient des traces, soit de A et B, soit simplement de A (cas des mutations non-naturelles)

La suite de la recherche portait sur la transmission de ces séquences particulières par l'héritage génétique: les séquences A et B se transmettaient-elles dans tous les cas à la descendance? Ou bien y avait-il des pertes? A supposer que ces séquences se comportent comme toute séquence ADN classique, la transmission devait être systématique, mais il devait y avoir des facteurs de prédispositions... Tout comme on peut avoir un grand père et des parents blonds, et être brun.

"Ah, tant que Jordan y pense, il faut nommer ces 3 découvertes scientifiques..."

Jordan rajouta sur le tableau blanc:

Jordan Creist a écrit:

A = Rhéa
B = Cronos
C = Zeus

Amusé de son trait d'esprit, Jordan imprima la liste des 23,8% de mutants non-naturels. Pendant que l'imprimante sortait des dizaines de feuilles, le chercheur changea de blouse, enfilant celle pour aller dans les couloirs. En effet, c'était dans quelques minutes maintenant qu'allait arriver le nouveau spécimen de la firme, sur lequel il comptait bien jeter un œil. Et puis, ses travaux lui permettrait de rapidement savoir s'il s'agissait d'un canular, cette histoire d'organisme gelé...