[Event 6] Sans dessus de sens.

David était face à un individu tel qu’il n’en avait jamais vu avant. Ses cheveux blancs auraient put le faire paraître plus vieux qu’il ne l’était s’ils n’avaient tant détonné avec le noir de tout le reste de son corps. Et ces yeux qui fixaient David avec colère donnaient l’impression d’une inextinguible soif de sang. Quel sorte de mutant était-ce donc là ? Le mercenaire de la GC était lui aussi un mutant, et il avait finir par accepter son sort, mais lui au moins avait conservé une apparence ordinaire et pouvait sans peine se fondre dans la masse, tandis que cette personne en face de lui aurait eut bien du mal à passer inaperçu même dans carnaval.

Mais la compassion n’était pas de mise en cet instant car le travail de David était de vaincre ce mutant pour le ramener dans sa cellule. Pourquoi faisait-il cela d’ailleurs ? C’était à n’y rien comprendre. A son retour de mission, après la capture de Diana, il avait juré de quitter la GC et de se retourner contre elle, alors pourquoi était-il encore là à obéir aux ordres comme un chien bien dressé alors qu’il avait tant envie d’aider ces cobayes à recouvrer leur liberté et leur droit de vivre ? Cela n’avait pas de sens, David évoluait dans un monde de folie et il ne parvenait plus à échapper à son influence néfaste, devenant peu à peu aussi fou que tous les autres, oubliant la raison et le bon sens sans rien pouvoir faire pour les retenir.

Et comme pour confirmer ce terrifiant pronostic, il s’était lui même placé dans une situation où il n’avait que deux options : combattre et vaincre ou mourir. Le mutant en face de lui luttait pour sa liberté et son droit de vivre il n’avait absolument plus rien à perdre et l’issue de cet affrontement déciderait de son sort par la suite, tandis que David combattait seulement pour la paie qui lui était promise, et en allant à l’encontre de ses conviction, accompagné du doute et de la culpabilité. Partit comme cela, le combat était clairement inégal. Et pourtant il allait combattre, pour continuer à avancer avec l’espoir de revenir un jour dans le chemin qu’il n’aurait pas dut quitter, et tenter de racheter ses crimes pour qu’il soit capable de dire, lorsque viendrait son heure dernière : « Même si j’ai fait des erreurs, j’ai vécu comme je l’entendais. »

A son retour de mission, David s’était adressé à l’armurerie de la société, pour demander s’il était possible de fabriquer des cartouches hypodermiques adaptées à ses revolvers. Après un moment de scepticisme, le responsable des lieux avait assuré qu’il essaierait et s’était aussitôt lancé dans la conception des plans des nouvelles munitions, intéressé par le défi que cela représentait pour lui. Malheureusement, lorsque les cobayes étaient sortis de leurs cellules, ces cartouches spéciales étaient encore loin d’être prêtes et il leur faudrait encore un certain temps avant d’être utilisables. Pour ce combat, David serait donc obligé de se contenter de ses munitions ordinaires, et de tirer en essayant de ne pas tuer sa cible, ce qui s’annonçait particulièrement difficile au vu de la combativité qu’exprimait ses yeux rouges.

Pas la choix. David pointa sur son adversaire ses deux revoler et se prépara à voir venir le premier assaut.

Twi était furieux de voir ce qui se passait. On l’avait forcé à tuer alors qu’il ne pouvait pas réagir et à présent il avait une sérieuse envie de changer les choses. Oh, il n’était pas idiot au point de croire qu’il allait pouvoir faire du mal à celle qui l’avait rendu meurtrier, mais peut-être qu’il pourrait faire autre chose. Il regarda celui qu’il avait défié, enfin qui avait pris son cri comme un défi et il sut qu’il n’avait aucune chance.

Il n’était pas fou au point de défier un homme armé, il n’était pas encore assez fou pour cela. Il ferma les yeux une seconde avant d’avancer lentement. Il leva les mains, l’air totalement à l’image de son esprit. Perdu, apeuré, mais brulant d’une envie de revanche et de vengeance.

Alors c’est ça la GC ? Affronter un adversaire désarmé, le tuer froidement. Le forcer à tuer également ? Tire si c’est ce que tu attends.

Il resta droit, fier et déterminé. Son adversaire était certainement prêt à le tuer mais qu’il le fasse si cela pouvait faire taire l’impression de mort qui l’entourait. Il voyait autour de lui des corps au sol, des mutants qu’il aurait pu sauver si seulement il avait eu du temps. Mais non, on ne lui en avait pas laissé assez.

La fuite ? Mais quelle fuite ? Comme si un groupe aussi important pouvait sortir de la GC, un groupe aussi disparate pouvait trouver un moyen de passer inaperçu. Non, Twi n’avait plus confiance en les autres, il savait qu’il était le seule juge de sa vie.

La Faculté lui avait apporté beaucoup, mais il n’avait pas eu la possibilité de le mettre réellement en pratique. Il n’était finalement qu’un enfant, un simple enfant incapable de protéger les autres. Il secoua la tête à cette idée et la refusa. Il regarda son adversaire et sut qu’il n’aurait jamais le dessus. Mais l’autre n’avait pas encore tiré.

Avant que tu ne tires afin de m’emprisonner à nouveau, laisse moi simplement retirer mon haut, comme ça vous n’aurez même pas besoin de réparer le trou et de laver le sang sur le tissus. Après tout, tu vas bien me faire souffrir pour avoir osé suivre les autres. Pour m’être tout simplement dirigé comme on nous l’a appris ici. Suivre les autres et mourir.

Tout en parlant, il avait retiré effectivement le t-shirt vert (qui avec son nouveau teint jurait affreusement avec ses yeux) et il désigna le tatouage visible sur son épaule. Il ne savait pas comment, mais il semblait que cette flamme prenait toujours la couleur opposée à celle de sa peau.

Evite simplement de tirer là, après tout, la marque du bétail doit pouvoir toujours l’identifier.

Twi attendit la douleur, la peur et le désespoir. Du moins son visage reflétait cette attente. Mais il était de plus en plus sur de lui. Qu’une main sur pose sur sa peau et la victoire serait le cadet des soucis de son adversaire.

[HRP, je m'y remets doucettement avec Twi alors un peu d'indulgence]

Alors qu’il s’attendait à un assaut furieux semblable à la charge d’un taureau, qu’il se préparait à un combat âpre et difficile presque perdu d’avance auquel il n’était pas certain de survivre, à un déchainement de violence primaire visant à sauver sa vie de la part de chacun des deux adversaires qui se faisaient face, la stupéfaction eut sur David l’effet d’une douche froide. Et cela dut se voir qu’il était surpris, car il le fut tellement qu’il ne pensa même pas à faire le moindre effort pour cacher sa stupéfaction. Son adversaire levait les bras dans l’attitude typique de qui n’oppose aucune résistance et se rend, ce qu’il confirma par ses paroles.

Plutôt que d’affronter David, qui n’en menait pourtant pas bien large à ce moment, ce jeune homme préférait affronter l’haleine du spectre de la mort, encourageant le mercenaire à commettre l’irréparable. Plus encore que son attitude, ses paroles étaient déconcertantes, un discours désabusé, fataliste, à croire qu’il n’attendait plus rien de la vie, et ce devait bien être le cas puisqu’il il encourageait le mercenaire à faire feu. Après sa terrible mission d’enlèvement, cela commençait à faire beaucoup pour David qui se sentait avoir le cul entre deux chaises. Sans vraiment s’en rendre compte, il laissa le fond de sa pensée jaillir hors de ses lèvres.

« Bon sang, mais qu’est-ce qu’ils vous font là-dessous ? »

Il se rendit compte de sa boulette et se reprit assez vite pour enchaîner d’une voix plus forte et ferme.

« Je n’ai pas l’intention de te tuer, je veux seulement te ramener dans ta cellule… »

Prononcer ce mot lui provoqua un malaise, comme si sa conscience réagissait à ses propres paroles pour les lui faire regretter.

« … ce sont les ordres. »

Des ordres qu’il rechignait à suivre, pour être franc. Qu’était-il donc en train de devenir ? Il était tourmenté et agissait contre tous ses principes, regrettant des actes qui le répugnaient mais qui étaient pourtant les siens. Où était passé le David jovial et farceur qui croquait la vie à pleines dents tant qu’il le pouvait encore et s’amusait de tout ce qu’il pouvait ? Où était passée cette aptitude excessivement optimiste, presque jusqu’à l’imbécillité, qui rendait la vie supportable ?

La réponse était simple, la GC les lui avait prises, le transformant en une créature docile dont les tourments moraux n’avaient pas la moindre importance. Voilà ce qu’il était devenu, et il n’y avait que deux moyens d’y remédier : quitter la GC et revenir dans le chemin qu’il jugeait le bon, ou bien abandonner ses principes et ses scrupules pour embrasser ceux de la GC. L’une comme l’autre option était plus facile à dire qu’à faire.

Mais s’il optait pour la première, il ne partirait pas seul. En attendant, la décision ne pouvait pas être prise pour le moment et il devait s’occuper de son adversaire qui s’était rendu sans même combattre. David s’approcha de lui, rengainant un de ses revolver et détachant de sa ceinture une paire menottes fournie à tous les membres des divisions. Il était juste à côté du jeune homme à présent et tendait déjà la main vers lui pour lui passer les bracelets.

Mais avant qu’il le touche, dans un éclair de lucidité, il se souvint de Kajitsu. Ce garçon était celui qu’elle avait combattu lors de l’assaut sur la Faculté, et David se souvenait bien des blessures qu’elle avait en revenant à l’hélicoptère, blessures préconisant de ne pas trop s’approcher de cet énergumène. Aussitôt, se recula, ramenant sa main près de lui, mais c’était peut-être déjà trop tard, car il s’était placé à portée de bras.

Il avait fait une belle erreur, une erreur qui pourrait bien lui coûter la vie et priver la GC d’un de ses membres de division. Enfin sur ce dernier point, il n’en pleurerait pas car il semblait ne plus se passer un jour sans qu’il apprenne un sombre secret lui faisant regretter d’avoir accepté de travailler pour eux. Cette soi-disant entreprise pharmaceutique renfermait beaucoup de noirceur dans ses sous-sols, et David craignait qu’il en reste encore à découvrir, lui salissant les main plus encore qu’elles ne l’étaient déjà. Il était vraiment troublé par ce qu’il apprenait et par ses remords, et ses états d’âme l’empêchaient de se concentrer comme il l’aurait dut sur son adversaire, ce qui l’avait conduit à s’approcher bêtement alors qu’il avait vu ce qu’il avait fait à Kajitsu à la Faculté.
Immanquablement, le jeune homme tout noir lui attrapa le poignet. La peau de David commença rapidement à devenir noire autour de la prise, et son vis-à-vis lui annonça froidement qu’il mourrait si le contact était rompu. Horrifié, le mercenaire regarda le mutant tomber à genoux en lui déblatérant des paroles dénués de sens, et sentait sa prise se relâcher progressivement. David était rongé par le remord et la culpabilité, mais il n’en était pas pour autant suicidaire et il tenait à la vie. Il ferait sont possible pour racheter les horreurs qu’il avait commises au nom de la GC, mais pour cela il devrait rester en vie, car on ne peut rien réparer lorsqu’on est mort. Alors il lâcha son revolver et plaqua sa main sur la main du jeune mutant pour l’empêcher de bouger. Mourir était un risque dans son métier, mais ce n’était pas une option.

Il regardait le mutant et restait immobile. Il pouvait sembler calme et posé en cet instant, mais en réalité, il était intérieurement paniqué et na savait pas quoi faire dans une telle situation. C’était une impasse. Il savait que dire au jeune homme d’arrêter ça ne servirait à rien, car il ne allait de la survie de ce dernier, et il n’abandonnerait pas sa seule chance de s’échapper alors qu’il venait de prendre l’avantage. Alors que faire ? Dans son bras, David sentait de très légers picotements progresser avec lenteur vers son épaule, cela progressait. Le tuer ? Ce n’était pas envisageable, et cela ne garantissait même pas qu’il survivrait lui-même. De toute façon, même s’il l’avait voulu, ses deux main était prises et il ne pouvait plus prendre ni l’un ni l’autre de ses revolvers. Il était bel et bien coincé, et c’était franchement désagréable, et même proprement effrayant, de se retrouver ainsi à la merci de quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre.

Twi sentit une main se poser sur la sienne et maintenir la pression. Très bien, à présent il savait, il savait que son bluff avait fonctionné et que l'autre ne voulait pas risquer de mourir. Cependant ce n'était pas la solution ultime. Il n'y avait pas qu'un membre de la GC et il était persuadé que ce même bluff ne fonctionnerait pas à tous les coups. Il devait donc trouver une solution et vite si possible.

Son regard se fit affolé et il parcourut rapidement la scène. Autour de lui il n'y avait personne pour le moment, mais il croisa le regard de l'ange et il sut qu'il n'avait pas la moindre chance de s'échapper. Il avait l'avantage pour le moment, mais si jamais il le perdait, il serait enfermé à nouveau. Il lui fallait donc jouer. Le jeu était ce que Twi connaissait le mieux, il avait trop souvent joué pour oublier comment faire. Il ferma les yeux une seconde et posa sa main libre sur le poignet de son adversaire. Enfin, à présent cet homme allait devenir son partenaire de jeu.

Il ouvrit les yeux et commença à se redresser tout en maintenant la position de leurs mains respectives. Puis il s'éclaircit la voix.

Je ne souhaite pas te tuer ! Je ne veux pas tuer. Mais je sais que je n'ai plus le choix. Dois-je devenir un des vôtres pour rester en vie ?

Sa voix était exactement comme il le souhaitait, faible et innocente, emplie d'un sentiment de peine et d'une touche de résignation. Il termina de se relever, conservant les mains de l'autre emprisonnées. Il savait qu'il ne devait pas le lâcher et que son pouvoir continuait à progresser lentement en direction des épaules de l'homme. Mais il pouvait faire refluer cette vague, il le pouvait si l'autre parlait et disait ce que Twi voulait entendre.

Tout ce que je demande si je deviens un des vôtres c'est de ne pas avoir à tuer. Alors ?

Il regarda autour de lui pour évaluer la situation et sut que de toute façon, sans intervention extérieure, leur fuite serait coupée. Fraust n'était pas loin mais même lui ne pourrait rien faire contre la GC, non, il ne le pourrait pas. Twi replongea ses yeux dans ceux de son partenaire de jeu et poursuivit d'une voix de plus en plus implacable, ferme, résolue. Après tout, n'était-ce pas le but qu'il s'était fixé au départ ? De parvenir à entrer dans les rangs de la GC ?

Avant que tu ne me donnes ta réponse définitive, je dois te prévenir, je suis un enfant de la GC. Et elle m'a toujours apporté ce que je désirais sans que je le sache. A présent je l'ai compris, on me l'a expliqué et je l'ai accepté. En tant que création, je ne peux que chercher à la servir. Alors dis-moi ? M'accepterais-tu si tu le pouvais ? C'est tout ce que je veux savoir, la GC sera-t-elle mon refuge ?

Il ferma les yeux une seconde puis les replongea dans ceux de son vis-à-vis. Ils étaient à nouveau du bleu sombre qui était leur couleur naturelle. Et le noir n'envahissait plus la peau de son éventuel allié. Il attendait que l'autre parle pour éventuellement faire refluer cette vague faussement mortelle.

--- Pendant ce temps chez les autres gens ---

Silenna s'occupe d'Aura totalement déphasée.
Sarah se charge des blessés
Valentin attends pendant que Céleste fait le ménage en vies humaines
Et le Bagage ben il cherche une entrée ...

David sentit, il ne savait pas trop comment, que l'action du jeune mutant du son bras diminuait, et que la vague la vague que pouvoir qui lui noircissait le bras refluait. Une bonne chose, au moins il ne mourrait pas bêtement au premier mouvement trop brusque. Le mercenaire leva la tête lorsque Kya l'interpela et préféra ne pas se vexer, du moins pas visiblement, de sa remarque, histoire de ne pas jeter de l'huile sur le feu.

La suite prouva à David que la GC abritait bel et bien des monstres. Demander à ce jeune garçon de tuer un de ses camarades, comme ça, de sang froid. Une exécution, voilà ce qu'on demandait à un adolescent. Pire que tout, le garçon lança à David un implorant !

"Kya, c'est pas la peine d'en faire autant ! On qu'à le garder à l'oeil et on verra son cas quand tout ce bordel sera terminé. "

Comme si David pouvait faire quoi que ce soit pour le jeune garçon ! Déjà, il était techniquement son ennemi, et de toute manière, Kya était un membre de la Black Division, donc un supérieur de David. Le mercenaire ne pouvait absolument rien faire, il était aussi pieds et poings liés que le prisonnier évadé. Sauf s'il se déclarait en rébellion ouverte vis-à-vis de la GC, mais cela il ne le pouvait pas, pas encore, peut-être pas avant longtemps. Il avait encore des choses à accomplir ici.

Le mercenaire regarda Twilight impuissant.

" Je ne peux rien pour toi. "

Il détestait cette situation impossible, en équilibre précaire et pouvant basculer d'un côté ou de l'autre au moindre souffle d'air.

" Mais je peux te dire que si tu fais ça, tu le regretteras toute ta vie. "

Rien d'autre à faire. David se baissa pour récupérer son revolver qu'il avait laissé tomber dans l'eau et le secoua avant de le remette dans son étuis.