Tenir une promesse

Encore un sujet de conversation qui n'était pas des préférés de Fraust. Il répondit quand même, par diplomatie.
"Disons que sans leur bêtise, j'aurais sûrement eu une vie meilleure. Certes je ne serai pas ce que je suis maintenant, mais je ne peux m'empêcher de penser que si le monde court à sa perte c'est à cause de l'espèce humaine. La pollution, les guerres, ils n'ont su engendrer que envie, avidité, orgueil et donc destruction."
Fraust avait vécu simplement deux ans parmi les humains, et cela lui avait largement suffit. Rien qu'à voir ce qui se dit dans les journaux ou à la T.V....
"Je veux bien admettre qu'ils ne sont pas tous comme çà, mais 98% des humains correspondent à ce portrait. Alors tu sais, je crois que mon expérience me suffit. La compagnie de mes "frères" Mutants m'est beaucoup plus supportable..."

Esthézyl fit la grimace en remarquant que c'était sans-doute un des sujets que Fraust aurait désiré ne pas aborder. Mais, bizarrement, il lui répondit tout de mêmen sûrement par politesse. Au fur et a mesure que l'adulte parlait, l'adolescent baissait de plus en plus la tête. Il avait raison! Et lui, pauvre nul, avait encore et toujours tort.

Il était vrai que le jeune homme était bien forcé d'avouer que les humains n'étaient pas aussi parfaits que lui voulait bien le dire. Esthézyl reconnaissait qu'il avait tendance a effacer les défauts pour mettre les qualités en valeur, ne serais-ce que pour pouvoir se dévaloriser.

"Désolé... Je n'aurais pas dû aborder le sujet..."

Fraust tourna la tête et regarda Esthézyl.
"Ce n'est rien."
Le recteur poussa un soupir de regret. Il aurait vraiment aimé avoir autant espoir et foi en l'espèce humaine que le jeune homme. Seulement, voila de nombreuses années qu'il avait perdu tout espoir.
"C'est très bien de la part d'un Mutant d'avoir foi en les humains. Je te souhaite d'être récompensé à juste titre pour çà. J'espères que ton avenir te donneras raison et me donnera définitivement tort. Je te le souhaite vraiment..."
Fraust baissa à son tour les yeux, puis les ferma. Il aurait tellement voulu que les choses se passent différament... Mais ainsi était fait le monde, et ce n'était sûrement pas un Mutant qui pourrait y changer quelque chose...

Esthézyl ne put empêcher un petit sourire de venir s'installer sur ses lèvres lorsque Fraust lui dit que ça n'étais rien. Mais le soupir de regrest que poussa l'adulte lui fit mal au coeur. Qu'avait-il? D'après ce qui avait précédemment été dit, l'adolescent pouvait en déduire que, peut-être, le resteur aurait voulu avoir meilleur espoir en l'espèce humaine.

"Merci... Mais ça ne risque pas d'arriver, je suis trop nul pour ça..."

Fit le jeune homme, passant une main sur sa nuque, incroyablement gêné.

Fraust eut un sourire, décidément, c'était sa journée aujourd'hui!
"Si toi tu es nul, alors moi je suis nul, et tout le monde est nul. Alors disons que tu es quelqu'un de bien, donc je suis quelqu'un de bien et tout le monde est bien. D'accord?"
Cette logique était complêtement absurde, mais il s'agissait surtout de redonner le sourire à Esthézyl.
"Si tu penses çà de toi, alors c'est pas un an que tu vas passer ici, mais plutôt dix. On va t'apprendre à avoir confiance en toi, à maîtriser tes pouvoirs, et tu pourra alors légitimement te poser la question: étais-je si nul que çà?"

Esthézyl haussa un sourcil, perplexe, lorsque Fraust commeça a lui déballer une logique complètement... illogique... a propos du fait que tout le monde était bien et personne nul. L'adolescent ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose puis, se rendant compte qu'il ne trouvait rien a répliquer, décida tout simplement de bouder. C'était une attitude complètement puérile, il le savait, mais tant pis!

"La confiance en soi, ça ne s'apprend pas... On en a ou on en a pas. Robert et les autres m'ont rabaché les oreilles avec ça pendant des années... Même que les regards assassins que Cédric leur lançait, ça me faisait rire..."

Fit le jeune homme avec un petit sourire amusé, pouffant doucement. Si Cédric avait été un mutant, il aurait tué ses collègues plus d'une centaine de fois.

"La confiance en soi, çà vient en même temps que tu deviens plus fort et plus puissant. C'est naturel, regarde-moi, j'en suis un bon exemple dans le fond. Au départ j'étais faible, vulnérable. Puis j'ai eu mes pouvoirs, et au final j'ai participé au soulèvement des Mutants."
Fraust se leva et s'étira avant de faire craquer les os de son cou. Il se retourna vers Esthézyl pour lui demander:
"Cà te dis de marcher un peu?"
N'attendant aucune réponse, le recteur commeça à marcher lentement vers la Faculté. Les mains dans les poches, il regarda un instant l'horizon qui se teintait de jaune orangé.
"... Il va faire beau demain..."

Esthézyl, quoiqu'un peu perplexe, écouta attentivement Fraust. Il n'avait pas tout a fait tort...

"Moui..."

Fit l'adolescent, un peu boudeur, ne pouvant que reconnaître la justesses des paroles du recteur. Il l'observa se lever et s'étirer avant de faire craquer les os de son cou. Le jeune homme fut un peu surpris que l'adulte se tourne vers lui mais, a sa proposition, se leva avec un petit sourire et le suivit.

"Ca a l'air... Il faut juste espérer que le vent ne fasses pas trop de caprices... Il pourrait encore amener des nuages en fin d'après-midi..."

"Balèze! T'aurais dû faire de la météo!"
Fraust partit dans un grand rire, comme il n'en avait qu'une fois par an. Dans un sens, Esthézyl avait peut-être sentit le vent arriver de très loin, puisque c'était son domaine de prédilection.
"C'est un pronostic hasardeux, une évaluation strictement scientifique, ou bien un ressentiment général de ton corps et ton esprit d'élémental d'air?"
Fraust se doutait un peu de la réponse, néamoins il préféra laisser répondre l'adolescent, pour ne pas l'influencer dans son choix.

"Qu'est-ce que j'ai dit?"

Fit Esthézyl, d'un ton qui avait quelque chose d'un peu suppliant, lorsque Fraust commença a rire. Pourtant, il n'avait rien dit de marrant... Ni fais de grimace ou quoique ce soit...

"Un peu des deux, en fait... J'ai remarqué que, dans cette région, le vent se lève souvent en fin d'après-midi... Puis... Je sais pas trop comment expliquer mais... C'est un peu comme si... Comme si le vent me parlait... C'est comme ça que je ne me suis jamais perdu. J'avais toujours un but et le vent me guidait... C'est bizarre..."

L'adolescent passa une main sur sa nuque, un peu gêné. Il ne savait absolument pas comment expliquer cela.

Fraust se frotta le menton. Alors il y avait bien quelque chose en Esthézyl qui communiquait avec l'air. A ce moment, Fraust comprit que l'adolescent pourrait devenir un très puissant Mutant. Pas autant que lui mais tout de même...
"Mmh... J'ai un pressentiment à ton sujet. Mais çà..."
Il tourna la tête et fit un signe de tête au jeune homme.
"... Je le gardes pour moi!"
Fraust eut un petit rire, et se reconcentra sur sa marche. Cà aurait été dommage de se casser la figure!
"En tout cas, ton séjour ici te sera très profitable, j'en suis certain. Enfin... Quand on aura assez de professeurs pour commencer les cours."

Esthézyl fronça un peu les sourcils, interrogatif, lorsque Fraust se frotta le menton. A quoi pouvait-il bien penser? Il espérait ne pas avoir dit de bêtises...

"Ah?"

Fit le jeune homme lorsque le recteur lui dit qu'il avait un pressentiment a son sujet.

"Méheu!"

S'exclama Esthézyl, sans même y penser. C'était quelque chose qu'il lui arrivait encore bien de répéter régulièrement. Lorsque Fraust lui dit que son séjour lui serait très profitable dès qu'il y aurait assez de professeurs pour commencer les cours, il hocha doucement la tête, il avait raison. Préoccupé par le pressentiment de l'adulte, le jeune homme ne regardait plus ou il mettait les pieds. Et l'inévitable arriva : il fit un superbe dérapage en arrière.
Cependant, au lieu de se retrouver sur les fesses comme il aurait dû, il se retrouva suspendu dans les airs a une dizaine de centimètres du sol. Après quelques secondes, le jeune homme se remit de sa surprise et se redressa, se traitant d'imbécile a haute voix.

Fraust fit un pas en arrière en voyant que Esthézyl allait tomber, mais au dernier moment il n'alla pas rattraper le garçon, car ayant senti le niveau d'électricité statique dans l'air remonter. Encore le bouclier...
"Tu lui dois une fière chandelle cette fois. Sans lui... Tu ne te serrais pas raté!"
Le recteur aida le jeune homme à se redresser. Heureusement que le bouclier invisible n'avait pas attendu qu'il l'appelle, sans quoi Esthézyl aurait violamment chûté au sol. Enfin bref, heureusement, rien de cassé!
"Admet qu'il est utile ce bouclier parfois!"
Dit Fraust en étouffant un petit rire amusé. Et Esthézyl qui n'avait cessé d'injurier cette carapace protectrice..!

Une fois de plus, Esthézyl n'avait pas essayé de se rattraper, sachant très bien que son bouclier l'empêcherait de tomber. Mais il avait tout de même été surpris de déraper.

"Oui... J'ai pas regardé ou je mettais les pieds, j'ai dérapé..."

Fit l'adolescent, un peu gêné, acceptant avec reconaissance l'aide de Fraust.

"Oui, parfois. Mais, par exemple, je suis incappable de manipuler quelque chose de tranchant a cause de lui..."

"Cà viendras, avec le temps et l'entraînement. Tu sais ce qu'on dit... L'appêtit vient en mangeant!"
Façon de parler tout de même!
Fraust et Esthézyl se remirent à marcher, ils étaient non-loin de l'entrée principale de la Faculté à présent.
"C'était sympa ce petit moment passé ensemble. J'aime bien connaître mes élèves alors au moins maintenant j'en sais un peu plus sur toi."
Maintenant arrivés devant l'escalier d'entrée, Fraust se retourna vers Esthézyl.
"Bon... Je compte sur toi pour m'impressionner la prochaine fois qu'on se verra. On est d'accord?"
Demanda-t'il sur un faux ton autoritaire.

"Moui, j'espère..."

Fit Esthézyl. Il n'avait jamais été très optimiste, et encore moins lorsqu'il s'agissait de lui. La, il devenait plus que pessimiste.
Ils se remirent a marcher et c'est a regrets que le jeune homme se rendit compte qu'a présent, ils étaient non loin de l'entrée principale de la Faculté.

"Moi aussi j'ai trouvé ça sympa."

Fit l'adolescent avec un petit sourire.

"Méheuuuuuuuuuuuuuuuu....... Bon, j'essayerai... Mais je promet rien!"

"De toute façon, je ne te laisse pas le choix! C'était un ordre jeune homme! Et ici on ne promet pas, on fait!"
Ajouta Fraust sur le ton de la plaisanterie.
Le recteur avait encore une montagne de choses à faire dans son bureau, et malgré le bon moment qu'il venait de passer, il avait prit un peu de retard sur son travail.
"Bien, il est temps pour moi de te laisser... On se revoit bientôt, je te convoquerais dans mon bureau pour qu'on voit où tu en est, d'accord?"
Après un hochement de tête, Fraust monta l'escalier et se retourna une dernière fois pour dire...
"A très bientôt Esthézyl..."
Puis il franchit la porte et disparut dans l'ombre...

"Beuh..."

Fit Esthézyl avec une petite moue boudeuse avant de sourire un peu. Il trouvait que Fraust était vraiment quelqu'un de sympathique. Même si, par moments, il le trouvait un peu trop sérieux.

"D'accord."

Répondit l'adolescent lorsque le recteur parla de le convoquer dans son bureau pour voir ou il en était. Lorsque l'adulte commença a monter les escaliers, le jeune homme le suivit du regard. Il l'aimait bien.

"Bye bye!"

S'exclama Esthézyl, tout sourire en agitant la main. Après quoi, il pivota sur ses talons et retourna dans le parc, ayant envie d'encore marcher un peu.